Nezha, un des films d’animation chinois les plus populaires de tous les temps, a fait naître de grandes attentes surpour l’avenir du cinéma du genrede ce type dans le pays.
Par Mao Yijun et Yi Ziyi
Affiche de Nezha
DurantPendant un été brûlant en Chine, l’industrie cinématographique chinoise connutconnût un phénomène vraiment incroyable : ce ne n’était autre que Nezha, le dernier film d’animation en date, qui tirait son histoire d’un conte sur une ardente divinité mythologique chinoise. Sorti le 26 Juilletjuillet, il avaita raflé 82,1 Millionsmillions euros en trois jours, battant le record des meilleures sorties pour un film du genrede ce type en seulement un week-end. A la date du 6 septembre, Nezha avait enregistré des ventes pour près de 4,8 Milliardsmilliards de yuans (un équivalent dede recette (soit environ 600 Millionsmillions euros), au-delà des prouesses du film de science-fiction The Wandering Earth (2019). Il avait obtenua décroché la 2ème place duau box-office de filmdes films chinois de toute l’histoire, derrière Wolf Warrior 2 (2017).
Plus de 100 Millionsmillions de spectateurs s’étaientse sont rendus dans les cinémas pour Nezha, troisième œuvre la plus vue en Chine après Wolf Warrior 2 et The Wandering Earth, devenant le premier film d’animation à passer la barre des 100 millions.
Nezha a récoltéobtenu des taux records sur les plateformes de revue en ligne, comme Douban, où il a une note de 8,6 sur 10 auprèslui a été attribuée par près de 900 000 internautes, un chiffre inhabituel pour une superproduction cinématographique.
Face à son énorme succès, on attend de plus en plus desde films d’animation chinois. Les internautes et les médias l’appellent « la lumière glorieuse de l’animation locale ». Beaucoup se sont accordés à dire que le film légendaire marque une étape importante dans l’industrie chinoise du genrecinéma d’animation.
Photo extraite du film Nezha, représenté par un jeune garçon malicieux, craint et haï par ses voisins
Cinq années de purgatoire
Réalisé par le studio Color Room Pictures, Nezha s’inspire d’une figure mythologique célèbre, immortalisée dans un récit chinois datant du XVIème siècle, L’Investiture des Dieux (Fengsheng Yanyi de son titre chinois). Le conte qui se déroule pendant la dynastie des Shang (1600-1050 av. J.-C) mélange des éléments de la mythologie chinoise, ses divinités, ses immortels et figures démoniaques. Dans son interprétation de 2019, Nezha est la réincarnation d’un démon, crainte et haïe de tous. Mais il ne croit pas en la fatalité de son destin et se réserve le droit de choisir entre démon ou dieu.
Le réalisateur et scénariste, Yang Yu, âgé de 39 ans, qui s’est fait connaître sous l’appellation Jiaozi (ravioli en Mandarin), a d’abord étudié la Médecine avant de consacrer plusieurs années à apprendre, dans la maison de sa mère et par lui-même, tous les rouages du cinéma d’animation. Né en 1980, Yang est diplômé de l’Université des Sciences Médicales de la Chine de l’Ouest, qui porte aujourd’hui le nom de Centre Médical de la Chine de l’Ouest de l’Université du Sichuan. Des années d’apprentissage ont fait de lui un perfectionniste méticuleux.
Après sa remise de diplôme, Yang a passé trois ans et huit mois à travailler sur sa première œuvre, See Through. Le court métrage animé de 16 minutes a reçu plusieurs prix lors de festivals locaux et internationaux du cinéma.
Yang nous avaita confié que la réalisation de See Through n’avaitn’a pas toujours été une mince affaire. Pendant toute la durée du tournage, il avaita vécu avec sa mère, veuve, s’étaits’est nourri exclusivement de plats préparés à prix réduits et n’était sortisn’est sorti que très rarement. Leur seule source de revenus provenait de la maigre retraite de sa mère. « Pendant ces années-là, j’avais l’impression de vivre à bord d’une navette spatiale, avec seulement trois pièces : le salon, la chambre et les toilettes », expliquaita-t-il déclaré à Vision Chine.
Il avaita dédié cinq longues années à la réalisation de Nezha, une période qu’il décrivait dedécrit comme un « purgatoire ».
Premier film animé chinois en 3D et adapté pour le cinéma IMAX, Nezha est une des productions les plus complexes jamais réalisées en Chine. Il aura fallu 2 ans et 66 révisions à Yang pour boucler le scénario, et trois ans pour finaliser le tournage.
« Nous ne disposions pas d’un gros budget. En fait, le directeur [Yang Yu] avait essuyé plusieurs revers. Il s’était vu fermer les portes de tous les studios d’effets spéciaux dans les villes de première lignepremier plan du pays. Il avait donc dû se résoudre à collaborer avec plus de 60 studios dans lesdes villes de deuxième et troisième ligneplan pour boucler tous les effets spéciaux », partageaitnous a fait part Yi Qiao, directeur en chef de Color Room Pictures et réalisateur de Nezha.
Le film animé comportaitcomporte plus de 2 000 scènes dont 1 318 avaientcontiennent des effets spéciaux. Plus de 1 600 personnes de différents studios avaientont joué un rôle dans la mise sur pied du cadrécadre féérique du film, du palais mystérieux du roi dragon, et de l’incroyable scène de combat de feu et d’eau.
Lu Yanting, la doublure du personnage Nezha avaita confié à Vision Chine qu’elle avaita dû baisser sa voix au plus bas possible et a fini par perdre sa voix pendant presque un mois. Han Mo, qui interprétait un autre personnage, nommé Aobing, expliquaita raconté qu’il était arrivé que Yang leur demande de refaire une prise 100 fois pour une simple ligne du script.
Yang nous expliquaita expliqué que l’équipe de production avait réalisé plus de 100 différentes versions de Nezha avant de conserver la « moins déplaisante », celle d’un jeune garçon à l’air malicieux, arborant de gros yeux de petit chiot, et des dents de travers. Les cernes noirs sous les yeux de Nezha avaientont été inspirées par l’état de fatigue extrême de l’équipe derrièreen charge de la réalisation.
« Beaucoup de personnes peuvent y voir une version plutôt disgracieuse de Nezha, mais je pense qu’elle est celle qui correspond le mieux au thème de notre film, celle d’un préjudicehandicap à surmonter », déclara Yang.
Yang s’inspira beaucoup de la culture locale du Sichuan dont il était originaire parce que c’était dans cette province que le conte originel eut lieu.était localisé. Par exemples, le mentor de Nezha, Taiyi Zhen, une divinité du folklore chinois, étaitest mis en scène comme un allègre alcoolique avec un accent sichuanais. Les deux esprits aux masques en bronze qui gardaientgardent la porte de la maison familiale de Nezha avaientont été inspirés despar les statues en bronze portant des masques couverts de feuilles d’or que l’on retrouve sur le site Sanxingdui dans le Sichuan. Ces statues dataientdatent de la mystérieuse civilisation de l’Âge de Bronze.
Photo extraite du film Nezha. Shen Gongbao (à gauche), une divinité transformée en léopard et le Roi Dragon sont des représentations classiques des méchants : tous deux sont les victimes de préjugés. Nés monstres, ils n’arrivent pas à gagner la confiance de l’Empereur du Paradis ou des autres divinités, peu importe les efforts qu’ils déploient
Un redémarrage héroïque
Le mythe de Nezha a inspiré de nombreux autres films et séries télévisées à travers les années, y compris le premier dessin animé en couleurs chinois sur grand écran, La Victoire de Nezha contre le Roi Dragon (1979) et les 52 épisodes de la série d’animation La Légende de Nezha réaliséréalisée par le Télévision Centrale Chinoise (CCTV).
Nezha est tellement apprécié en Chine qu’il a un statut presque équivalent au Roi Singe, hérohéros mythique le plus célèbre du pays.
Néanmoins, la version 2019 a donnéconféré à la vieille histoire une signification plus moderne à travers les relations mises en scène entre les personnages, le complot et les thèmes qui résonnent dans les esprits des jeunes chinois de la génération du millénaire.
Dans le conte originel, Nezha était un esprit libre et le symbole de l’opposition à la patriarchie. Etant le troisième fils de Li Jing, commandant de la garnison, il était un adolescent rebelle qui entretenait une relation relativement tendue avec son père. Pour préserver l’ordre social et familial, Li Jing envisagea de tuer son fils, indiscipliné et désobéissant.
Ayant bien conscience qu’il n’arriverait jamais à la hauteur des attentes de son père, Nezha se suicida afin de sauver son peuple et sa ville natale de la destruction du Roi Dragon. À sa mort, il déclara à ses parents qu’il « rendrarendrait ses os à son père et sa chair à sa mère » pour ne rien leur devoir. Quelques temps plus tard, il ressuscita commesous la forme d’une divinité d’une fleur de lotus.
Le critique culturel Han Haoyue considéraitconsidère que l’histoire originelle de Nezha « étaitest un dedes contes les plus violents mettant en scène la relation père-fils de toute la Chine Antique ».
« Dans une société confucianiste…, la rébellion de Nezha commeen tant que fils et son éventuel suicide ont un effet tragique terrible, similaire à laune tragédie d’un personnage des œuvres de Shakespeare », écrivit Han.
Dans la dernière version, Nezha naît enfant démoniaque avec une destinée obscurcie, promitobscure, promise à une fin tragique à l’issue de son troisième anniversaire comme châtiment du Paradis. Les citadins l’ont rejeté, mais il ne croit pas en la fatalité du destin, et croit en son pouvoir de le changer. « Mon destin ne dépend pas du Paradis, mais de moi seul », déclaradéclare Nezha dans le film.
« La réconciliation entre son père et lui rend l’histoire moins tragique que le complot originel, mais elle livre une expression plus moderne des luttes personnelles et des relations familiales. Ce Nezha est sorti de la mythologie pour devenir une personne à laquelle nous pouvons tous nous identifier, il est Nezha et il est l’un des nôtres », expliquaitselon Han.
La limite entre le bien et le mal reste floue dans le film : il n’y a ni hérohéros ni méchant. Les différents publics ont apprécié les choix des personnages du film qui représentent la complexité de la nature humaine.
Aobing, le troisième fils du Roi Dragon, a aussi une personnalité particulière. Faisant écho à Nezha, il est né dieu, mais son tempérament clément et son cœur tendre ne font pas de lui un personnage héroïque. Au lieu de çacela, Aobing subit une pression extrême car il est le seul à pouvoir sauver sa famille, le Clan des Dragons, que les Dieux ont emprisonné aux fondsau fond de la mer. Pour se faire, il doit détruire Nezha, son seul véritable ami.
Shen Gongbao et le Roi Dragon, deux méchants que l’on retrouve aussi dans le récit originel, sont décrits comme des victimes du destin et qui souffrent d’injustices.
Un paysage féérique dans Nezha
Créer un univers semblable à ceux de Marvel et DC
Durant des décennies, les réalisations japonaises et américaines ont dominé le marché chinois du film animé. Les œuvres tournées en Chine étaient en grande partie de mauvaise qualité et surtout destinés aux jeunes enfants.
D’après CSC Financial, les films animés ne comptaientreprésentaient que pour 6 à 10% des ventes totales audu box-office en Chine alors qu’au Japon le nombre dépasse les 40% depuis 2015.
Yi Qiao justifiait ce constat par la pénurie de talents. Color Room Pictures, le bras de l’animation de Beijing Enlight Media, avait ouvert ses portes en 2014. « À l’époque, il y avait très peu de réalisateurs qui faisaient des films d’animéanimés en Chine, parce qu’ils ne pouvaient pas être rentables. Beaucoup ont changé de carrières pour développer des jeux-vidéos ou des dessins animés pour les enfants », déplorait Yi à Vision Chine.
Pour Yang Yu, les animés locaux ont longtemps fait l’objet de préjugés. « J’ai beaucoup souffert des idées reçues avant de changer de carrière », déplora-t-il à un reporter. Yang expliquait que la plupart des gens autour de lui le pensait fou de renoncer à son avenir prometteur en tant que médecin pour se lancer dans la réalisation de films d’animéd’animation. Il voit en Nezha une manière de se revendiquer contres’affirmer face à tous les stéréotypes et les préjugés qui ont assombrisassombri sa carrière et l’industrie.
L’industrie chinoise du genre a connu un boom en 2015 avec la sortie du Roi Singe : Le retour du hérohéros qui a récoltaitsuscité une vague d’engouement dans tout le pays. Adapté d’une œuvre classique chinoise Le Voyage en Occident, le film animé rapporta 956 Millionsmillions de yuans (122 Millionsmillions euros).
Il devaitdoit son succès à un phénomène particulier en Chine : celui des fans enthousiastes surnommés les zilaishui (qui signifie « l’eau courante »). Comme un gang, ils font la promotion volontaire d’un film via des campagnes montées de toute pièces sur les réseaux sociaux.
« Le Roi Singe : Le Retour du hérohéros a éveillé les consciences collectives et fait réaliser quand s’investissant dans une production de grande qualité, la passion du public chinois pour les animés locaux s’intensifierait. C’était un message fort pour nous tous », livrait Yang au quotidien Guangming Daily.
À la suite de la sortie du Roi Singe : Le Retour du héro, de plus en plus de réalisateurs chinois de films d’animation se sont tournés vers la mythologie chinoise pour puiser leur inspiration, tels que pour Big Fish & Begonia (2016) et Le Serpent blanc : L'Origine desorti cette année.
Deux autres productions du studio Color Room Pictures, Jiang Ziya et Phoenix, toutes deux adaptées de la mythologie chinoise, sont prévusprévues pour une sortie sur les écrans en 2020. Tout comme Nezha, le personnage de Jiang Ziya fait aussi une apparition dans L’Investiture des Dieux, il a le rôle d’un sage et mystérieux ministre qui a contribué à l’établissement de la Dynastie des Zhou (1046-256 AV.J-C)
Avec la vague de succès autour de Nezha et les autres adaptations mythologiques, il est dit que les animateurs chinois vont créer un univers semblable à ceux de Marvel et DC, surtout parce qu’ils disposent d’une source incroyable de récits fabuleux.
« La chose la plus excitante à propos de Nezha, c’est qu’elle donne au public un soupçon d’espoir que l’animé chinois aura un jour son propre univers mythologique. En plus de l’engouement autour de la sortie imminente de Jiang Ziya, il y a undes rumeurs autour de l’apparition éventuelle de Nezha comme second rôle dans la suite du Roi Singe : Le Retour du hérohéros. On suppose donc que les personnages comme Nezha et le Roi Singe sont des versions chinoises des superhéros. », écrivitfaisait part Ye Zhiwei, critique cinématographique, dans le Xinhua Daily Telegraph le 9 août.
Néanmoins, selon Yang déclarait que, ce temps n’étaitn’est pas encore arrivé. « Lorsque des œuvres de grande qualité seront produites régulièrement, alors nous aurons atteint le véritable avènement du cinéma d’animation chinois. Quand la notion de « décollage de l’animation chinoise » ne sera plus sujette à débats et que tout le monde y sera habitué, on pourra alors parler de renaissance du genre en Chine », s’exclama-t-ilselon lui. ★
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