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GV en Chine, la construction ralentie


Le réseau ferroviaire chinois totalise 146 300 kilomètres fin 2020


La Chine met fin aux projets de transit non rentables dans un contexte de constructions redondantes et d’endettement croissant

Par Zhao Yiwei


Après plus de 10 ans de fièvre pour les investissements dans les infrastructures, la Chine freine son développement du réseau ferroviaire à grande vitesse (RFGV) après des décennies d’investissements massifs.


Le 29 mars dernier, le Conseil des affaires de l'État de la Chine a publié une directive sur la planification du réseau de trains rapides qui stipule que le gouvernement central contrôlera dorénavant strictement la construction de lignes redondantes et parallèles à celles déjà en fonctionnement, examinera l’approbation des projets de métro et de train léger qui représentent de facto des liaisons ferroviaires interurbaines, et augmentera le seuil d’acceptation pour les projets de TGV ayant une vitesse supérieure à 350 kilomètres/heure.


Certains projets de grande envergure semblent être ainsi les prochaines victimes d’un nouveau serrage de ceinture. La ville de Huizhou dans la province de Guangdong prévoyait de construire un métro à grande vitesse vers Shenzhen au nom d’un projet ferroviaire interurbain. Désormais, le projet est susceptible d’être annulé.


C’est la première fois que le gouvernement central décide de mettre en œuvre des restrictions quant à la construction de lignes de TGV. Des règlements plus détaillés sur l’approbation et l’exploitation des projets ferroviaires sont attendus sous peu.


La fièvre de la construction


Les statistiques officielles montrent que depuis 2014, environ 800 milliards de yuans (102,7 milliards euros) ont été investis chaque année dans les réseaux ferroviaires à l’échelle nationale, et plus de la moitié des projets en construction concernaient de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse.


Début 2021, ni le ministère des Transports ni le China State Railway Group n’ont publié de projets d’investissement spécifiques contrairement à leur habitude. Le 18 mars, le ministère des Transports a indiqué que seules 18 000 kilomètres de lignes de chemin de fer devraient être construites tous les cinq ans au cours des 15 prochaines années.


Selon le 13ème plan quinquennal de la Chine (2016-2020) et la planification ferroviaire à moyen et long terme, les réseaux ferroviaires à travers le pays devaient atteindre 150 000 km en 2020, y compris 30 000 km de voies de trains rapides. En 2025, le réseau ferroviaire devrait atteindre 175 000 km, dont 38 000 km de voies de trains rapides.


Les données publiques montrent que les réseaux de trains rapides en Chine totalisent 37 900 km en 2020, ce qui signifie que l’objectif a été atteint cinq ans plus tôt que prévu. En 2020, le réseau ferroviaire chinois représentait une longueur totale de 146 300 km, soit 3 700 km de moins que l’objectif initial.


Wang Ming, le directeur de l’Institut de recherche globale sur les transports de la Commission nationale de développement et de réforme (CNDR), a déclaré à Vision Chine que la raison derrière le déséquilibre de construction entre les chemins de fer ordinaires et les voies de trains rapides repose sur l’intérêt plus fort porté par les gouvernements locaux sur ces derniers.


Selon lui, la directive sur la planification du réseau de trains rapides a été publiée par le gouvernement central afin d’empêcher les investissements excessifs dans de tels projets, et de promouvoir un développement équilibré des réseaux ferroviaires.


« La directive a pour but de retirer le pied de la pédale d’accélération plutôt que d’appuyer sur le frein », explique ainsi Sun Zhang, professeur de chemin de fer et de transport à l’Université Tongji de Shanghai, à Vision Chine. « Il est prioritaire d’ajuster la proportion d’investissement entre les chemins de fer ordinaires et les trains à grande vitesse. »


Préoccupations relatives à la dette


La directive mentionne à de nombreuses reprises des dettes découlant de la construction de chemins de fer, exigeant « un traitement approprié des dettes existantes et un contrôle strict des nouvelles dettes ».


China State Railway Group a joué un rôle dominant dans l’investissement ferroviaire et en conséquence, a accumulé une dette colossale. La dette totale du groupe a bondi à 5,57 trillions de yuans en 2020, contre 476,8 milliards de yuans quinze ans plus tôt. Selon son dernier audit financier, le ratio d’endettement du groupe a atteint 65,88% au troisième trimestre 2020.


De 2016 à 2019, le montant des obligations émises par China State Railway Group a de son côté atteint 300 milliards de yuans par an, dont 200 milliards de yuans dépensés pour la construction de chemins de fer et l’achat d’équipements. En 2000, le groupe a levé 210 milliards de yuans en obligations, mais seulement 70 milliards de yuans ont été consacrés à la construction de chemins de fer, tandis que 140 milliards de yuans ont été dépensés pour la restructuration de la dette.


La plupart sont des obligations à cinq ans, et le remboursement du capital et des intérêts culminera en 2021. China State Railway Group a ainsi réalisé un rendement moyen des capitaux propres de seulement 2 % ces dernières années.


De nombreuses administrations locales ont également contracté de lourdes dettes en raison de la construction de voies de trains rapides. Le réseau à grande vitesse s’est étendu dans des zones densément peuplées de l’est au centre et à l’ouest de la Chine. Les zones côtières de l’est de la Chine sont les plus endettées à cause des projets de trains à grande vitesse.


Zhao Jian, professeur à l’Ecole d’Economie et de Management de l’Université Jiaotong de Beijing, a déclaré à Vision Chine que, les régions orientales étant relativement plus riches et densément peuplées, elles sont mieux adaptées à la construction de voies de trains rapides. Le groupe des voies ferroviaires d’état chinois (le China State Railway Group) a fourni une part importante du montant total de l’investissement. Les vastes régions occidentales de la Chine ne sont quant à elle pas densément peuplées et ce sont les gouvernements locaux qui ont porté la plus grande part des investissements.


« Ces gouvernements locaux sont cependant confrontés à des risques d’endettement plus élevés que le China State Railway Group », selon Zhao.


Fin 2020, la région autonome Zhuang du Guangxi, dans le sud-ouest de la Chine, comptait 1 792 km de lignes de train rapides, se classant ainsi au premier rang des 34 divisions administratives de niveau provincial de Chine. Selon la directive, les zones où les lignes de trains à grande vitesse dont le tarif des services publics est inférieur à 80 % ne sont en principe pas autorisées à construire de nouvelles lignes de trains rapides.


Wang Ming, de la CNDR, a déclaré à notre journaliste que la construction de voies de trains rapides est en grande partie un bien public, de sorte qu’il n’est pas juste de parler des revenus et du coût de ces projets sur la simple base des données financières.


« Les fonctions et les rôles joués par les projets de voies de trains rapides devraient être considérés dans leur ensemble » à ses yeux.


Equilibrer le développement


L’augmentation des coûts d’exploitation et la faible densité de population, conjuguées à un faible taux d’occupation, ont entraîné des pertes d’exploitation pour certains réseaux de trains à grande vitesse. Par exemple, la ligne de train rapide entre Zhengzhou dans la province du Henan et Xi’an dans la province du Shaanxi présentait un taux d’occupation inférieur à 50%, deux ans après la mise en service de la ligne, soit une perte de 1,4 milliard de yuans. La gare de Huaibei dans la province d’Anhui avait, elle, un taux d’occupation moyen de 30,8% et la ligne Huaibei-Shanghai le taux d’occupation le plus bas avec 21%.


« Les taux d’occupation des trains à grande vitesse varient d’une région à l’autre et en fonction des périodes », explique le professeur Zhao Jian. Actuellement, seules quelques lignes de trains rapides entre Pékin, Shanghai et Guangzhou dans la province de Guangdong ont ainsi un taux d’occupation supérieur à 80%.


Pendant les périodes de pointe, certaines lignes de trains rapides peuvent avoir un taux d’occupation de près de 100%, mais elles tombent à 40% pendant les saisons creuses.


Parmi les coûts d’exploitation, l’électricité représente la plus grande part, suivie des frais d’entretien et des ressources humaines. Un train à grande vitesse qui dépasse les 350 km/h coûte entre 5 000 et 9 000 yuans d’électricité par heure.


Selon les calculs de Zhao pour Vision Chine, pour les quatre lignes de trains à grande vitesse prévues entre Lanzhou dans la province du Gansu et Urumqi dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang dans l’ouest de la Chine, les revenus ne couvriraient même pas l’électricité. La ligne de TGV entre les deux villes a toutefois la capacité d’exploiter 160 trains à grande vitesse par jour.


La croissance rapide des trains à grande vitesse a réduit les capacités de fret des chemins de fer, ce qui a entraîné une pression croissante sur le transport routier, qui est pourtant moins cher que les TGV et les chemins de fer ordinaires.


« Il est urgent d’ajuster le ratio des trains de passagers et de marchandises et d’augmenter la capacité du fret », analyse Sun.


Après la publication de la directive, un certain nombre de projets qui avaient été approuvés sont d’ailleurs maintenant suspendus, fait remarquer Wang Ming de la CNDR.


Par exemple, certains projets ferroviaires interurbains dans les concentrations de villes de la plaine de Guanzhong dans la province du Shaanxi, à l’ouest de la Chine, et dans les agglomérations de villes proches de Jinan, dans la province du Shandong, dans l’est de la Chine, se sont heurtés au nouveau contexte de réduction des coûts.


Le 24 février, le Conseil des affaires de l’État a publié des lignes directrices nationales sur la planification globale du réseau de transport, qui stipulent que les lignes de transport totales de la Chine devraient atteindre 700 000 km d’ici 2035, dont 200 000 km de chemins de fer et 70 000 km de réseaux de trains rapides. Entre 2021 et 2035, la Chine construirait ainsi 53 700 km de réseaux ferroviaires dont 32 100 km de lignes de trains rapides.


« Ralentir la construction du réseau de trains rapides ne signifie pas tirer le freinage d’urgence », d’aprèsWang. « Il est important d’équilibrer l’ampleur et le rythme des projets de voies de trains rapides et de prévenir les redondances, l’augmentation des dettes et le gaspillage des ressources dans un premier temps. »

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