Par Sun Xuechi
Depuis l’arrivée de l’hiver, plusieurs articles se sont succédés pour évoquer des licenciements dans plusieurs importantes entreprises du Web, telles que Meituan, Mobike, jd.com, Zhihu, Sina et 58 Daojia. Face à cette puissante vague de licenciements, tout le monde est saisi par la peur de la précarité. Néanmoins, il est pour l’instant davantage question d’un antidote pour faire face à des difficultés plutôt que d’une véritable crise de l’emploi.
Licenciements, économies, survie
« Comme notre projet n’était pas rentable, toute l’équipe a été dissoute », explique à Vision Chine Zi Tong qui travaillait chez GOME, magasin de vente en ligne d’électroménager. Parmi la cinquantaine de membres de l’équipe, seuls quelques-uns ont été repris dans d’autres départements, tous les autres ont été licenciés, y compris le chef de projet.
Lorsqu’une entreprise rencontre une période difficile, un département non rentable est comparable à une crise d’appendicite dont elle est contrainte de se débarrasser. Etonnamment, la solution à laquelle les entreprises ont toutes recours est celle du licenciement collectif !
C’est le cas par exemple de la plateforme de live streaming Douyu qui a choisi de sacrifier son équipe de Shenzhen, en concurrence avec celle de Guangzhou qui a obtenu de meilleures performances. De son côté, le site de vente de voyages Qunar a mis fin à son activité Q+ lancée depuis plus d’un an en raison de son échec, ce qui a été mis en évidence par une évaluation réalisée en fin d’année.
Sous la pression d’un ralentissement de l’économie, les difficultés que traversent les entreprises sont de plus en plus visibles, se traduisant de différentes façons : vague de faillites dans le secteur de la finance sur Internet, vague de suppressions d’emplois dans le secteur des services sur Internet, en passant par l’explosion de la bulle spéculative de la blockchain. Pour survivre en cette saison glaciale, la suppression d’emplois constitue la seule issue.
Fin 2018, la plateforme de livraison de repas à domicile proposée par Meituan Dianping est confrontée à une vague de suppressions d’emplois
Néanmoins, le licenciement collectif fait figure de cas isolé, et la tendance est plutôt d’avoir recours au licenciement individuel.
« Encore en réunion le matin pour parler de la répartition du travail, déjà forcé de quitter l’entreprise dans l’après-midi. » Comme beaucoup d’autres salariés en période d’essai, Song Song fut subitement informé de son licenciement.
Cinq mois plus tôt, renonçant à plusieurs offres du secteur, il a choisi de travailler pour le site de financement 9F Group où le salaire proposé n’était pourtant pas le plus élevé et ce, pour une raison simple, il était sur la même longueur d’onde que celui qui allait devenir son chef. C’est pourquoi, lorsqu’il évoque son licenciement, il exprime non seulement des regrets de ne pas avoir pu finaliser un projet qui avait bien progressé, mais également d’avoir dû se séparer de ses collègues, car il sait qu’il sera très difficile de retrouver une équipe où tout le monde s’entend si bien.
C’est directement du groupe qu’il reçut la notification de son licenciement et son propre chef n’en fut informé qu’une heure seulement avant lui. Le jour de son départ, son chef qui fumait habituellement peu, n’a cessé de fumer tout l’après-midi. « Il n’y pouvait rien non plus », dit Song Song.
« L’entreprise ne manque pas d’argent, sachant que la campagne publicitaire se poursuit toujours actuellement. » Song Song suppose que sur fond de mauvaise conjoncture économique, la société est dans l’obligation de conserver suffisamment de liquidités pour lui permettre de passer l’hiver.
Song Song précise que tous les membres de l’équipe blockchain du 9F group sont partis tandis que les salariés en période d’essai ont presque tous été licenciés. Quant à son ancien département, avec 6 salariés sur 16 sur le départ, le taux de licenciement y atteint actuellement 37.5%.
La société Credit Ease enregistre, elle aussi, un tel taux de licenciement. D’après un de ses salariés bien informé, l’un de ses départements en difficulté a vu ses effectifs passer d’une cinquantaine début décembre à une quarantaine mi-décembre, et les licenciements ont plutôt ciblé les emplois les plus techniques.
Le service de vélo-partage chinois Mobike a récemment supprimé 30% de ses emplois avec près de 300 salariés licenciés
Les grandes entreprises licencient pour avoir un résultat net plus élevé tandis que les petites entreprises cherchent plutôt à pouvoir survivre.
« Aucun entrepreneur ne veut tuer sa propre entreprise », répond Ning Ning avec fermeté. Pendant trois ans, il a vu son équipe s’agrandir, passant de moins de dix salariés à des centaines de personnes, l’obligeant à quitter son petit bureau de moins de cent mètres carrés pour déménager dans un building du CBD de Pékin. Sans oublier les galas annuels de fin d’année qui se tiennent désormais dans des hôtels étoilés, bien plus confortables que la salle de réunion quelconque qui était utilisée dans les débuts de l’entreprise.
Il promit à ses salariés qu’avec une bonne performance, la société leur verserait deux mois de salaire supplémentaires en fin d’année, leur offrirait des voyages, des séjours d’études et tout autre avantage qu’ils pourraient souhaiter. Il avait effectivement tenu sa promesse jusqu’à présent. Malheureusement, la société est actuellement confrontée à un dilemme. Avec peu de projets de qualité, le risque financier est difficile à maîtriser. Les coûts augmentent sans arrêt alors que le retrait du principal investisseur a conduit à une rupture des financements perçus, de sorte que le versement des salaires a dû être reporté à plusieurs reprises. Dans ces circonstances, il est aujourd’hui contraint de réduire les coûts pour pouvoir survivre. Grâce aux départs volontaires et aux licenciements, la taille de la société a pu être réduite de près de 40%. « Sans licenciement, tout le monde mourrait. » Il demeure ferme sur sa stratégie, considérant que la société doit avant tout survivre dans un premier temps si elle souhaite pouvoir profiter des opportunités qui se présenteront dans le futur.
Il y a un an, au sommet de sa carrière chez Ning Ning, Wu Wei choisit quant à elle de partir pour s’aventurer ailleurs. Elle fut recrutée par une entreprise réputée dans le secteur de la finance sur Internet. Ce nouvel emploi lui permit d’obtenir 16 mois de salaire par an et 17.600 yuans (2.200 euros) par mois, presque le double de son ancien salaire. Malheureusement, quelques mois seulement plus tard, l’équipe de Pékin fut rapidement dissoute par l’entreprise, et elle perdit son nouvel emploi.
Après deux mois de recherche, elle fut recrutée par une entreprise de co-working avec cette fois 15 mois de salaire par an et 18.000 yuans par mois. Au bout de deux mois, elle fut de nouveau touchée par un licenciement collectif. Après une pause de six mois, elle entra dans une entreprise de vente de biens de grande consommation lui proposant 15 mois de salaire par an et 20.000 yuans par mois. Malheureusement, plus d’un mois plus tard, le groupe procéda également à un licenciement collectif. Tout de suite après, elle intégra une société spécialisée dans les études réalisées à l’étranger avec 14 mois de salaire par an et 22.000 yuans par mois. Dès le début, elle tablait sur une bonne rentabilité du groupe. Or, à peine plus de deux mois après son arrivée, le groupe décida, dans le cadre de son IPO, de se débarrasser, dès 2019, du département où elle travaillait car il s’était avéré plus dépensier que rentable.
Elle dit en rigolant qu’elle est comme une pierre de touche capable de révéler si une entreprise est performante ou non, mais derrière tout cela s’accumulent plusieurs expériences douloureuses. Malgré un salaire de plus en plus élevé, elle perdit de plus en plus vite chaque nouvel emploi et, pour survivre, elle fut obligée de changer fréquemment de secteur.
Wu Wei avoue qu’en août 2018, n’ayant trouvé aucun emploi après quelques mois de recherche, elle n’eut pas d’autre issue que d’aller voir Ning Ning pour exprimer son souhait de réintégrer son entreprise. À sa grande surprise, Ning Ning accepta immédiatement, la laissant même choisir le département qui lui plairait. À cette époque, le secteur de la finance sur Internet était déjà en train de connaître de fortes turbulences et sa société, sans commencer à devoir licencier, était déjà beaucoup moins performante qu’avant. Finalement, au lieu d’y retourner, Wu Wei choisit de poursuivre sa recherche d’emploi.
C’est triste de voir un individu qui, soumis aux contraintes d’ordre matériel, ne peut pas faire autrement que d’être obligé d’avancer, à bout de force. Les mésaventures de Wu Wei dans le monde du travail nous amènent à réfléchir sur l’ampleur des licenciements et sur leur force destructrice.
Wang Chuang, salarié chez Zhihu, site chinois de questions-réponses, estime le taux de départ à 20% environ dans sa société. D’après lui, l’actuelle vague de licenciements lancée par Zhihu touche généralement les activités nouvellement créées, telles que la publicité, le recrutement et le partage de vidéos, qui sont caractérisées par des coûts élevés et une rentabilité faible. C’est également le cas chez Meituan, la plateforme de livraison de repas à domicile, qui a licencié son équipe de réservation de véhicules en ligne et chez Didi Chuxing, le géant chinois des VTC, qui s’est séparé de son équipe de livraison de repas à domicile.
Contrairement à Zhihu, les salariés de jd.com sont moins sujets au licenciement et ce, malgré le tollé déclenché sur Internet à ce sujet.
Un salarié du département des finances de jd.com explique à Vision Chine que les licenciements pratiqués dans son entreprise ne sont pas si nombreux qu’on le dit à l’extérieur. En revanche, il confirme l’existence d’un arrêt des recrutements, y compris l’absence de remplacement des départs volontaires, comme c’était le cas jusqu’à présent. Un salarié de JD Mall le confirme également en indiquant qu’il a déjà été convoqué à un entretien préalable au licenciement, sommé de partir avant mi-janvier 2019, date limite imposée par son chef. Il réitère qu’il ne s’agit que d’un réaménagement du personnel régulier sans qu’il n’existe la moindre vague de licenciement massif. Il précise que selon lui la société veille chaque fois à limiter le nombre de licenciements par département afin d’en atténuer l’impact.
Chez Jd.com, les jeunes étant nombreux, le taux de turnover est naturellement élevé, et les jeunes diplômés peuvent quitter leur poste pour toucher ailleurs deux à trois mille yuans de salaire de plus. Un guichet unique est dédié aux formalités de départs de tous les départements du groupe et, avec ses vingt mille salariés, il n’est pas étonnant d’y voir la queue comme dans la salle d’attente d’une banque. Pourtant, certains anciens salariés de Jd.com confirment que les salariés en période d’essai ont peu de chance d’y rester. « Après avoir refusé plusieurs offres intéressantes, on s’est fait licencier dix jours après notre arrivée chez Jd.com. » « Malgré trois ans d’ancienneté, j’ai quitté mon ancien job pour venir chez Jd.com. Malheureusement, pendant un mois d’essai, l’activité de mon département a été supprimée dans le cadre d’une vague de licenciements. C’était vraiment horrible ! »
Les licenciements touchent en premier lieu les jeunes diplômés et les salariés en période d’essai. Plus tard on est arrivé, plus élevé est le risque d’être licencié. Cela semble devenir une règle commune du secteur.
À la connaissance de Vision Chine, Jd.com mis à part, dans certains départements d’entreprises telles que Meituan, Sina ou Zhihu, presque tous les salariés en période d’essai ont été licenciés.
Les signes annonciateurs de la crise se manifestent depuis bien longtemps
Si ces expériences de licenciement, prise individuellement, sont des signes avant-coureurs de la crise du secteur, les données consolidées agissent quant à elles comme une puissante aiguille capable de tout transpercer, y compris les visions les plus optimistes.
Selon la statistique big data de la plateforme du site de recrutement www.zhaopin.com, au 4e trimestre 2018, les offres d’emploi du secteur Internet / e-commerce ont diminué de 23% par rapport à la même période de l’année précédente. Ce chiffre semble confirmer la rumeur de l’arrêt des recrutements de la part de plusieurs entreprises du Web, les départs n’y étant plus remplacés.
En effet, depuis le 3e trimestre 2018, la pression se fait nettement ressentir en matière d’emploi. Selon les données du « Rapport sur la prospérité du marché de l’emploi chinois » sorti au 3e trimestre 2018, le nombre d’offres d’emploi a diminué de 27% au 3e trimestre par rapport à la même période de l’année précédente, l’indice de prospérité du marché de l’emploi (CIER) du 3e trimestre est inférieur à ce qu’il était au 3ème trimestre de l’année précédente (2,43), et le CIER du secteur d’Internet a également baissé, cette fois par rapport au trimestre précédent, pour atteindre 4,2. Le nombre d’offres d’emploi du secteur d’Internet / e-commerce a diminué de 31.53% par rapport au trimestre précédent. Cela signifie que dans le secteur d’Internet, les offres d’emploi diminuent, les demandes d’emploi augmentent et la concurrence en matière d’emploi s’accentue.
Par ailleurs, le rapport démontre qu’au 3e trimestre 2018, le nombre d’offres d’emploi a enregistré une baisse en glissement annuel et trimestriel pour la première fois depuis près de 8 ans. Concrètement parlant, que ce soit par rapport à la même période de l’année précédente ou bien par rapport au trimestre précédent, les emplois vacants sur le marché ont fortement diminué. C’est une situation critique rarement observée depuis 8 ans.
Or, si l’on porte notre attention sur le chiffre du secteur de l’Internet, la vague de licenciements devient une évidence.
Au 3e trimestre 2018, le nombre d’offres d’emploi du secteur d’IT/Internet a diminué de 51% par rapport à la même période de l’année précédente, la baisse étant enregistrée pendant deux trimestres consécutifs. Du point de vue du sous-secteur de l’Internet/e-commerce, les offres d’emploi ont baissé de 57% par rapport au 3ème trimestre 2017, ce qui confirme les signes annonciateurs d’une vague de licenciements à laquelle ce secteur est en proie depuis bien longtemps.
Comparaison du nombre d’emplois au sein des sous-catégories du secteur d’IT/Internet au 3e trimestre 2018 par rapport au 2etrimestre : Services IT (systèmes/données/maintenance), Internet/e-commerce, Logiciels informatiques, Matériel informatique, Jeux en ligne. Source des données : Rapport sur la prospérité du marché de l’emploi chinois
En plus des données sur l’emploi, celles du marché locatif des bureaux à Pékin sont également révélatrices de la crise du secteur d’Internet.
L’avenir incertain de l’évolution économique a directement conduit au ralentissement de la demande locative de la part des entreprises des secteurs de la finance et d’Internet ; l’impact le plus direct de cette tendance se traduit par la réduction de la superficie louée. Selon les dernières données publiées par DTZ (Debenham Thouard Zadelhoff), au 4e trimestre 2018, à cause du départ de certaines entreprises et de la réduction de la superficie totale louée, le taux de vacance des bureaux à Pékin a augmenté, dans l’ensemble, de 0,2 point pour atteindre 8,1%, tandis que les quartiers centraux des affaires, ont vu leur taux de vacance progresser de 0,4 point par rapport au trimestre précédent malgré l’absence de toute nouvelle offre de bureaux.
Pendant la seconde moitié de l’année précédente, le loyer des quartiers centraux des affaires de Pékin a commencé à évoluer
Ces pourcentages, à eux seuls, ne suffisent probablement pas à nous donner une idée précise de la situation. Vision Chine a donc fait un petit calcul : selon les données publiées par DTZ (Debenham Thouard Zadelhoff), les bureaux de niveau A représentent un volume total de 10,58 millions de mètres carrés dans toute la ville de Pékin. Si le taux de vacance connaît une hausse de 0,2 points, la superficie des bureaux vacants supplémentaires s’élève à 21.160 mètres carrés, soit environ l’équivalent de trois terrains de football de taille standard.
Ces mêmes chiffres montrent que pendant la seconde moitié de l’année 2018, la superficie louée a baissé de 53,9% par rapport à la même période en 2017 sur le marché locatif des bureaux de Pékin. En parallèle, la faible demande du marché a directement conduit à faire évoluer le montant du loyer, de sorte que sur cette période, le loyer des bureaux de toute la ville a chuté de 0,7% par rapport à la première moitié de la même année, contre 0,6% dans les cinq quartiers centraux des affaires.
Devant toutes ces données, même si l’on parle officiellement d’un renouvellement du personnel, le recours aux licenciements pour sauver l’entreprise apparaît comme une réalité.
Sortie de crise
À la suite de ces licenciements, les entreprises désormais amincies ont pu atteindre en quelque sorte leur objectif de pouvoir passer l’hiver au chaud. Néanmoins, pour la plupart des gens mis sur la touche, leur future insertion professionnelle constitue actuellement leur plus grand souci.
Après la dissolution de son équipe, Zi Tong est toujours à la recherche d’un emploi. Des entreprises qui semblent intéressantes recrutent, mais les postes proposés ne lui conviennent pas. De plus, si les grandes entreprises paient bien, elles sont plus exigeantes vis-à-vis des compétences professionnelles des candidats. Elle ne se sent pas encore prête. D’après elle, « les vacances du nouvel an chinois seront l’occasion de se remettre à niveau ».
De fait, le marché du recrutement ne se montre pas très accueillant à l’égard des femmes. Pour un même poste, les femmes ont moins de chances que les hommes d’être recrutées ou d’obtenir un salaire élevé. Par conséquent, Zi Tong a dû baisser ses prétentions salariales, pensant que « ses chances seraient ainsi plus élevées ».
Song Song, quant à lui, se montre relativement plus patient. Les offres d’emploi étant moins nombreuses à l’approche du nouvel an chinois, il considère que cette période n’est pas une si mauvaise chose pour lui, il y voit lui aussi l’occasion de se remettre à niveau. Le lendemain de son licenciement, Song Song se remit déjà à étudier. Une entreprise ayant une mauvaise réputation dans son secteur l’a contacté, mais il a refusé sa proposition. Les rumeurs qui couraient sur Internet à propos de ce potentiel recruteur l’ont plus ou moins influencé dans son choix.
Par contraste avec la patience de ces deux chercheurs d’emploi, Wu Wei vit véritablement dans l’angoisse, prête à se résigner quant à son sort : elle en a vraiment marre de devoir chercher sans arrêt un nouvel emploi sans toutefois pouvoir faire autrement. Heureusement se dit-elle, au moins, rien ne pourra pire que sa situation de ce côté là…
Aux angoisses provoquées par les licenciements de fin d’année, s’ajoute le sentiment d’insécurité suscité par la vague de licenciements et accentué par la pression que représente le ralentissement de l’économie.
La vague de licenciements, en provoquant des angoisses, permet de tirer la sonnette d’alarme dans le monde du travail.
« L’année 2019 sera encore plus dure », soupire Song Song. La seule chose à faire, c’est de s’améliorer. Les solutions de sortie de crise viennent toujours de soi-même, non de l’entreprise. Prise dans cette vague de licenciements, Song Song réfléchit sur sa valeur et se rend compte des limites de ses compétences.
En 2018, le nombre de diplômés universitaires chinois a atteint un nouveau record avec 8.2 millions de personnes entrées sur le marché du travail
De ce point de vue, le licenciement n’est pas forcément une mauvaise chose en soit dans le monde du travail, il pourrait même être l’occasion pour certains de démarrer une nouvelle vie. De même, le ralentissement de la croissance dû à la tendance à la baisse de l’économie n’a pas que des effets néfastes pour la Chine.
L’économie chinoise s’est développée à très grande vitesse pendant ses 40 années de réforme et d’ouverture pour devenir aujourd’hui la 2e économie mondiale, juste derrière les Etats-Unis. Une croissance à grande vitesse s’accompagne inéluctablement de difficultés. Prenons l’exemple du Japon au début des années 1980 où la croissance économique à grande vitesse provoqua la flambée des prix du foncier conjuguée à l’explosion de l’économie virtuelle qui avait pris le pas sur l’économie réelle. D’où sa stagnation économique pendant 20 ans.
Cela s’apparente à la situation actuelle de la Chine qui, marquée par ses prix de l’immobilier maintenus à un niveau élevé, et à la forte appréciation de sa monnaie, assiste à une transformation progressive de ses industries traditionnelles pour laisser place à de nouvelles industries qui n’ont pas encore fait la preuve de leur rentabilité. Le gouvernement se trouve ainsi devant le défi de devoir accompagner le passage de tout un secteur de l’économie virtuelle vers l’économie réelle.
Le Japon, pendant ses 20 ans de récession, a réussi un atterrissage en douceur de son économie, en opérant une transformation de son économie et par la montée en gamme de son industrie. L’année 2019 représente probablement une rare opportunité pour l’économie chinoise pour s’inscrire dans une nouvelle trajectoire. Ce sera une opportunité pour renforcer sa vitalité économique sans avoir à perdre vingt ans, et pour revenir à l’essence même de son économie en mettant fin à la poursuite aveugle du profit.
Beaucoup croient que le moteur de l’économie se résume à la poursuite du profit, ignorant que le mot « économie » en chinois provient de l’expression « rendre la société prospère et le peuple heureux ». La création de valeur pour le bien de l’humanité constitue exactement la valeur clé de l’économie.
La Chine qui vient de fêter ses 40 ans de réforme et d’ouverture entre désormais dans un nouveau cycle de développement. La tendance à la baisse de l’économie permet de prendre du recul pour mieux se connaître. Après avoir connu la crise économique, les Japonais ont désormais les pieds sur terre, ne se livrant plus à une consommation ostentatoire, et prenant même du plaisir au travail avant de redonner naissance à l’esprit de l’artisanat, et de faire rayonner le miracle du « Made in Japan ». En Chine, sur fond de vague de licenciements et de tendance à la baisse de l’économie, tout le monde doit aspirer au changement pour s’en sortir sur le plan professionnel.★
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